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Rencontre avec Olivier Radot, chef décorateur sur La Reine Margot et Coco avant Chanel

Film
Olivier Radot a imaginé les décors de cinéma pour Agnès Varda, André Téchiné, Jean-Jacques Annaud, Patrice Chéreau, Maurice Pialat, Guillaume Nicloux ou encore Michael Haneke.
Décor réalisé par Olivier Radot

Olivier Radot, chef décorateur révélé aux César

Nommé pour La Reine Margot et Coco avant Chanel, et lauréat du César pour Gabrielle, Olivier Radot nous plonge dans la conception de certains décors à Paris et plus largement en France. Rencontre.

Olivier Radot, La Reine Margot a bénéficié d’un budget de 100 millions de francs (19,6 M€). C’est votre première collaboration avec Patrice Chéreau. Les décors vous ont valu une première nomination aux César. Quel a été le challenge sur cette fresque centrée sur la famille Médicis dans la France du XVIe siècle ?

Olivier Radot : Je travaillais sur Germinal de Claude Berri quand ils m’ont contacté. Il cherchait un second chef décorateur. Le budget décor tournait autour de 10 MFrs (1,52 M€), à l’arrivée 16 millions (2,43 M€), avec la partie studio de Richard Peduzzi. On s’est très vite bien entendu avec Patrice. Il était d’une grande intelligence par rapport à l’interprétation de l’époque. Peu m’importe la période car je pars d’une idée et construis un fantasme sur l’époque. C’est toujours une question d’intuition. Ce qu’on a fait sur La Reine Margot, on ne pourrait sans doute plus le faire aujourd’hui. Personne ne le remarque mais il y des lumières de Giacometti qui n’ont rien à voir avec le XVIe. On a souvent tourné dans des architectures XVIIIe et XIXe. En décors naturels, on a choisi ce qui nous semblait possible sans renvoyer une image carte postale.

Comment s’est déroulée la reconstitution du Louvre ?

OR : Ce fut un puzzle. Les décors ont été conçus dans plusieurs endroits différents. L’idée était d’inventer un Louvre qui n’existe pas et de donner l’impression au spectateur qu’il existe tel quel. Il a été tourné en studio, à Senlis, à Compiègne, à Mafra au Portugal, et dans le canal Saint-Martin. Un vrai labyrinthe. Pour l’anecdote, Mission Impossible: Fallout, qui a été tourné à Paris, a repris certains lieux géographiques de La Reine Margot. Tom Cruise rentre dans un tunnel, roule vers l’étoile et se retrouve dans les sous-terrains du canal Saint-Martin vers République. Ce sont les mêmes décors que pour les sous-sols du Louvre dans le film. à Paris, on a également créé une auberge, qui a été tournée à l’école Militaire, dans une pièce improbable, tout en pierre, quasiment sans fenêtre.

La scène du mariage a été filmée à Saint-Quentin-en-Yvelines, et aussi dans le palais national de Mafra au Portugal où les galeries ont été reconstituées de fresques. La couleur de pierre, attaquée par les champignons, était extraordinaire. Tous les murs à l’extérieur étaient noirs. L’exécution de La Môle (Vincent Perez) se déroule dans le Château de Maisons-Lafitte, choisi pour ses grandes douves, sa qualité et sa couleur de pierre.

Il y a aussi ce moment où Isabelle Adjani attend Vincent Perez, qui doit la retrouver à cheval, seule dans une grande pièce. C’est au Château de Maulnes, un monument pentagonal perdu dans la campagne. Certaines rues, censées représenter celles de Paris, ont eu lieu à Bordeaux, comme la rue du Port et la rue Saint-éloi. Le massacre de la Saint-Barthélémy se déroule dans ces artères. La séquence où Adjani cherche un homme se passe dans la rue de la Tour du Pin. à l’époque, ce quartier n’était pas vraiment rénové et avait une certaine patine, cela nous a permis de repeindre les façades en noir. Maintenant, ce serait impossible.

Quel est votre regard sur ce film aujourd’hui ?

OR : C’est l’une de mes meilleures expériences de cinéma, d’un point de vue du travail, de l’excitation du travail, de l’intelligence de Patrice et de l’expérience humaine. La Reine Margot est le décor le plus radical. Une intelligence de fabrication, un parti pris fort. Même pour les Américains, ce film est marquant. La réalisatrice Kathryn Bigelow, avec laquelle j’ai failli travailler sur un projet sur Jeanne d’Arc, me l’avait cité en référence. Elle était dingue de La Reine Margot.

Dix ans plus tard, vous retrouvez Patrice Chéreau pour Gabrielle, avec Isabelle Huppert, où vous raflez cette fois le César. Comment avez-vous recréé l’atmosphère d’une maison bourgeoise française du début du XXe siècle ?

OR : Nous étions censés être dans un hôtel particulier à Paris. J’ai construit un énorme porche parisien pour donner cette impression. Le régisseur Hervé Gransard, qui s’est occupé des repérages de La Reine Margot, a trouvé un Château à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. C’était une architecture particulière du début du siècle, avec une galerie au premier étage, éclairée par une verrière. Elle était extraordinaire, originale et grande. Tout fonctionnait pour représenter Paris. Les décors ont d’ailleurs été réutilisés pour Vanity Fair avec Monica Bellucci. On a donc transformé les galeries pour donner la sensation d’un lieu d’errance, un peu étrange. Pascal Gregory marche seul dans cette galerie, avec des coursives qui donnent l’impression de se perdre et laissent un sentiment de solitude. Quant aux rues de Paris, elles ont été tournées autour du Parc Monceau, car elles sont très belles. On avait vidé les rues, retiré des voitures et refait les sols.

Nouvelle nomination pour vous aux César avec Coco avant Chanel, au budget de 19 M€. à l’instar de la photographie, le traitement des décors reste sobre et évite toute opulence. Quelles ont été les directives d’Anne Fontaine ?

OR : Le plus difficile dans ce genre de film, c’est le luxe, l’idée du luxe : comment rendre l’ensemble luxueux sans que cela coûte cher ? Coco avant Chanel est sobre, cela relève davantage de l’élégance, ce qui n’est pas forcément coûteux. Nous avions à peu près 900 000 ou 1 M€ pour les décors. Il y a eu un travail de documentation sur le style et l’univers de Chanel, en m’inspirant du noir et blanc, et sur d’autres courants, comme le Bauhaus et la sécession viennoise. J’avais préparé à l’époque un autre projet, Coco Chanel et Igor Stravinsky, qui devait être réalisé par William Friedkin, avant d’être reporté et conçu par un autre réalisateur. Ici, j’ai dû tout repensé. Certains lieux sont en décors naturels, d’autres construits en studio, comme le premier atelier de couture à chapeaux de Coco que j’ai transformé ensuite en bureau d’études, et ses appartements.

Quel a été le décor le plus important ?

OR : Le château de Boy Capel (Alessandro Nivola) situé au Château de Millemont. Il fut le premier repérage et le plus important. On a effectué des changements. On a rajouté le porche, refait les intérieurs, les jardins, les terrasses où on les voit boire du thé, et fabriqué les colonnes qui n’existaient pas. C’est toujours très agréable d’améliorer les constructions existantes quand il est possible de le faire.

Et pour les scènes à Paris ?

OR : Nous avons tourné au Grand Véfour pour la scène du dîner entre Coco (Audrey Tautou) et Étienne (Benoît Poelvoorde). Dans les films d’époque, on retrouve souvent les mêmes lieux et ce restaurant est toujours partant pour les tournages (rire). J’adore Le Petit Riche dans le 9e, il y a plusieurs salles avec des miroirs, des velours rouges, des boiseries, mais c’était compliqué et les espaces n’étaient pas très grands. La rue censée être la rue Cambon a été tournée rue du Pré-Aux-Clercs dans le 6e. On l’a choisi aussi pour la première boutique de Coco. Il n’y avait pas de boutiques d’époque possibles dans la rue Cambon ; trop de magasins de luxe, de pollution visuelle, une école, des barrières, c’est compliqué à bloquer.

La rue du Pré-Aux-Clercs était chouette, on a trouvé une boutique simple à transformer pour son atelier et l’entrée du porche de ses appartements. La partie du haut de la boutique Chanel s’est déroulée en studio. J’avais reconstitué une partie de l’escalier avec les miroirs pour la descente. En revanche, la séquence finale du défilé sous l’escalier se passe vraiment dans la Maison Chanel, pour une raison d’économie. Le tournage s’est déroulé également avenue Foch. Il s’agit d’une scène en plan large, avec un effet spécial, où Coco prend le volant de la voiture de Capel et slalome sur la neige.

Et pour les autres ?

OR : Nous sommes allés au Grand Hôtel de Cabourg pour la séquence de son audition de chant, censée se dérouler à Deauville. La salle à manger est jolie en raison de sa lumière avec les grandes baies vitrées qui donnent vue sur la mer. On a également tourné dans la Villa Strassburger, à Deauville, où Coco s’achète un accessoire, et dans l’Abbaye Blanche en Bretagne pour les scènes de l’orphelinat. C’est un lieu chargé et inquiétant dans une forêt, ça sent le diable (rire).

Que pouvez-vous nous dire sur vos projets, Olivier Radot ?

OR : Pour l‘instant, je travaille sur le prochain film d’Eric Lartigau où une grande partie va se dérouler en Corée et dans le sud-ouest de la France, à Saint-Jean-de-Luz.

Article écrit par Nathalie Dassa

Crédit photo en-tête : Olivier Radot

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lundi 8 avril 2019

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