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François Emmanuelli évoque son travail sur les décors parisiens du Péril Jeune, De battre mon coeur s’est arrêté, Intouchables…

Film
François Emmanuelli a collaboré avec Cédric Klapisch, Jacques Audiard, Agnès Jaoui, Philippe de Chauveron ou encore Olivier Nakache et Éric Toledano dont certains films ont ravi le box-office. Le chef décorateur remonte ici le temps et nous livre son expérience.
Image fournie par François Emmanuelli

François Emmanuelli, Le Péril Jeune, sorti en 1993, est la première de vos cinq collaborations avec Cédric Klapisch. Comment s’est déroulé le processus de travail sur ce film au budget très réduit, situé dans les années 70 ?

François Emmanuelli : Nous étions tous chefs de poste, la trentaine, et avions passé notre bac à peu près au même moment. Klapisch et les scénaristes avaient étudié au lycée Rodin, le premier assistant à Voltaire et j’étais passé par Charlemagne. Nous étions tous parisiens ; les références étaient donc les mêmes. Le tournage a duré quatre semaines. Petit budget, travail artisanal mais projet ambitieux pour Arte qui voulait raconter les années lycée sur trois périodes : en 68, avec Un Air de Liberté réalisé par Éric Barbier ; en 75 par Klapisch ; en 84, avec Attention, fragile par Manuel Poirier. L’action se place dans le même lieu inventé, le lycée Montesquieu, qui se déroule en réalité dans le lycée Chaptal, boulevard des Batignolles.

Les extérieurs ont été tournés dans cette école et alentour vers la Place de Clichy ; lorsqu’ils sont en mobylette, font la manifestation ou sont assis sur le banc. Les scènes en intérieur ou dans la cour, comme la bagarre de pommes, se passent au lycée Montaigne, derrière le Jardin du Luxembourg. La personne en charge du repérage m’avait donné les lieux. J’ai préparé ensuite des dessins, des perspectives, en fonction des endroits. Je ne travaille jamais sur référence. Tout le mobilier vient d’Emmaüs Bougival. On a mélangé les périodes et les styles pour donner le cachet des années 70. Le plus difficile fut vraiment le manque d’argent, de temps et d’expérience mais Le Péril Jeune reste un moment de grâce et l’un des plus grands plaisirs.

Quels ont été les décors les plus importants ?

François Emmanuelli : Le véritable lieu est un bâtiment qu’on a trouvé entre la rue du canal Saint-Martin et la rue Meslay. Ce sont les intérieurs de l’appartement des parents, de la chambre de Chabert (Vincent Elbaz) et surtout du squat où on a repeint les murs et fait des graffitis. On a exploité une petite centaine d’appartements accessibles, avec deux cours, sur 6 étages. C’était notre point de base pour la préparation, nos bureaux et les décors.

Aujourd’hui, le bâtiment a été rénové ; on a pu profiter d’un immeuble avant travaux. Il y a eu aussi le bar rock Le Piano Vache, rue Laplace, dans le 5e. C’est un plan-séquence où Jacky Berroyer, qui joue Jo, un dealer de Barbès, propose de la drogue à Tommasi (Romain Duris). Il le fait entrer dans le café et l’emmène au fond de la salle par une déambulation en totale improvisation. Dix prises ont été faites tellement c’était drôle. Quand je revois le film, cette séquence est spontanée et vivante. On a tourné également aux Orgues de Flandre

Deux ans plus tard, vous le retrouvez pour Chacun cherche son chat, fascinante déambulation dans un Paris en mutation, avec comme point d’ancrage le quartier de Bastille. Comment avez-vous pensé les décors ?

François Emmanuelli : Au départ, le film était un court métrage. Les producteurs souhaitaient réunir plusieurs réalisateurs du moment pour un « Paris vu par », comme l’avait fait la Nouvelle Vague. Dans la liste, figuraient Philippe Harel, Mathieu Kassovitz, Cédric Klapisch, etc. Tout a démarré finalement avec Chacun cherche son chat de Klapisch, devenu au fur et à mesure un moyen puis un long de 1h15. L’histoire se déroule dans la rue des Taillandiers, entre la rue de la Roquette et la rue de Charonne, là où vivait sa scripte, Marie Vermillard, et où habite Renée Le Calm (Madame Renée), qui a fêté ses 100 ans en septembre 2018.

À l’époque du film, en 1996, elle a 78 ans. Chez elle, c’est dingue! Elle a des poules, des chiens, des chats. Cette femme est une véritable figure! Elle a été dame pipi au Balajo et a une vie délirante. On n’a rien touché chez elle. Le seul ajout, c’était « à mort la vioque ! » que j’ai inscrit sur sa porte d’entrée. Les lieux constituent vraiment tout le film pour un tournage qui a duré 4 semaines. Les cafés Entre Potes et le Pause Café, rue de Charonne, ont été choisis car ce sont les lieux que fréquentaient Marie Vermillard et Cédric Klapisch.

Quelle a été votre plus grande intervention en termes de décor ?

François Emmanuelli : L’appartement de Michel (Olivier Py), l’ami artiste et colocataire de Chloé (Garance Clavel), situé dans la rue du Faubourg Saint-Antoine. On a visité plusieurs ateliers pour finalement investir ce lieu au 2e étage. On a fabriqué et aménagé son intérieur, tout en octroyant au personnage de Clavel un petit coin derrière un rideau sur une paillasse. C’est dans cet espace qu’on a tourné le plus de séquences, même si l’histoire se déroule entre la rue des Taillandiers et la rue Keller. L’appartement de Romain Duris, qu’on a peint et meublé, se situe d’ailleurs à cet endroit. Dans l’histoire, on fait croire qu’il habite du côté de la rue des Taillandiers.

Le plus important était de montrer Paris qui se transforme, les liens sociaux, le changement de population et la vie d’un quartier. Avec la dextérité de Klapisch, et c’était sa force à l’époque, il a réussi à capter des moments très forts : dans l’axe de la rue des Taillandiers, rue de la Roquette, il y avait une église dont il a filmé sa destruction. Ce moment est dans le film ; elle a depuis été reconstruite en église moderne. Mais que ce soit Le Péril Jeune, Chacun cherche son Chat, L’Auberge Espagnole, tourné à Barcelone, ou Un air de famille, tourné en studio pour fabriquer un café de banlieue, ces films sont exceptionnels. Surtout les deux premiers qui parlent de Paris. Il s’agit d’inspiration, de spontanéité, de légèreté, quelque chose qu’il a peut-être un peu perdu aujourd’hui.

Peut-être se déroule aussi à Paris. Qu’avez-vous créé dans cette comédie de science-fiction, François Emmanuelli ?

François Emmanuelli : Le budget décor était de 11 MF (1,67 M€) pour 90 MF au total (13,72 M€). Dans la démesure de ce type de cinéma, ce fut un tournant pour moi, la plus grande difficulté et le plus gros budget. La plus grande intervention, pour 3 semaines de tournage, s’est déroulée rue de Penthièvre, à deux pas des Champs-Élysées, dans un appartement au 2e étage où vit Jean-Pierre Bacri qui a pour enfant Léa Drucker et Vincent Elbaz. Dans cet immeuble, on a géré de nombreuses pièces qui se dégradent au fur et à mesure.

On a organisé toute la déambulation et la fête de l’An 2000. On a percé les plafonds pour pouvoir passer d’un étage à l’autre, qu’on a ensuite ensablé. Dans le cahier des charges, il a fallu choisir un sable raccord, car il en existe de toute sorte. Le sable vient de Douz en Tunisie. Il est très fin, très blanc. Les Tunisiens, qui travaillaient sur la partie studio avec moi, ont proposé de nous en livrer dans des sacs en plastique de 2 kg chaque. Ils ont été installés dans des containers, chargés dans des semi-remorques, posés sur un bateau qui a débarqué à Marseille,

En 2005, vous rencontrez Jacques Audiard pour De battre mon coeur s’est arrêté, son quatrième long métrage, récipiendaire de 8 César, dont meilleur film et meilleur réalisateur. Quel a été le défi dans ce drame centré sur une histoire de filiation et d’héritage dans le Paris à l’aube des années 2000 ?

François Emmanuelli : Je travaillais sur à boire avec son épouse quand il m’a contacté. Jacques est étonnant. Il est très particulier aussi, difficile à définir. Il est exigeant mais attend aussi d’être déstabilisé car il a envie de casser les modèles. Le tournage a duré neuf semaines. Les décors majeurs ont été l’appartement de la professeure de piano, Miao Lin, qui se trouve rue Rébeval à Belleville, et celui de Romain Duris à Porte de la Chapelle, là où il compose. L’hôtel Saint James & Albany Spa, rue de Rivoli, est aussi important. Lorsque Romain Duris vient voir dans les vestiaires la prostituée de Minskov, il le croise pour la première fois. La scène est au ralenti. On a dû fabriquer cinq vestiaires raccords car il fallait pouvoir passer par-dessus.

À Belleville, rue Dénoyez, on a aussi tourné quelques scènes où des malfrats cassent les planchers et les vitres de l’appartement pour empêcher les squatteurs d’entrer. à Barbès, on a dû composer avec une dizaine de rats lors d’une scène où des personnages les déposent dans une cage d’escalier. J’avais reconstitué le sol et la porte. On les a mis dans une cage et, avec un balai, je les poussais avec un filet de lumière sous la porte. C’est compliqué de filmer des rats, il fallait les énerver pour qu’ils se baladent. Il y a eu aussi le Théâtre des Champs-Elysées où Duris assiste au récital de Miao Lin, mais je n’ai fait aucune intervention dans ce décor. L’espace, la scène, les coulisses, tout a été pris tel quel. Tout comme l’Office Notarial.

En 2011, Olivier Nakache et Éric Toledano vous proposent Intouchables, gros succès de 19,4 millions d’entrées. Quels ont été les choix des décors parisiens pour raconter la relation entre un riche aristocrate tétraplégique et un homme d’origine sénégalaise qui devient son auxiliaire de vie à domicile ?

François Emmanuelli : Sur dix semaines de tournage, la première difficulté était de trouver l’appartement de Philippe Pozzo di Borgo, incarné par François Cluzet. On ne pouvait pas tourner chez lui. On a visité beaucoup de lieux et on a fini par mixer deux endroits : l’Ambassade des Pays-Bas, installée dans l’ancien Hôtel d’Avaray, et un hôtel particulier à Mortefontaine, à 50 km de Paris, le château de Joseph Bonaparte. Ces deux lieux mixés nous ont permis de reconstituer son appartement. On a tourné l’entretien d’embauche rue Saint-Dominique, et les chambres d’Omar Sy et de François Cluzet à Mortefontaine.

On a filmé également une séquence près de la Comédie-Française pour un rendez-vous amoureux, une autre dans le Parc du Luxembourg, à la bijouterie Boucheron place Vendôme, sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor, au Théâtre National de l’Opéra Comique et au Théâtre National de Chaillot où il achète la peinture tachetée. Tous ces lieux ont été pris tel quel. Personnellement, le moment le plus fort reste quand Omar peint son tableau. Il a mis ses écouteurs et, en live, a peint comme s’il faisait du tam-tam sur la toile. C’était tellement incongru que c’en devenait génial. Nakache et Toledano sont virevoltants. Ils sont capables d’interrompre les comédiens pendant la scène pour donner des indications de scène, alors que normalement personne ne parle.

Début mars, vous démarrez le tournage de L’île flottante, troisième long métrage de Daniel Cohen. Que pouvez-vous déjà annoncer sur ce film qui se déroule à Paris, François Emmanuelli ?

François Emmanuelli : Il s’agit d’une comédie avec Vincent Cassel, Bérénice Béjo, François Damiens et Florence Foresti. Pour 6 semaines de tournage, on bénéficie de 350 000 € de budget décor. On va tourner à Colombes pour la maison de Damiens et de Foresti, à Montreuil pour l’appartement de Bejo et au Centre commercial Beaugrenelle pour son lieu de travail. Ce sera 3 jours de tournage pour celui-ci.

On va procéder à quelques aménagements dans une boutique de vêtements. Dans le film, elle signe aussi des dédicaces dans des librairies à Paris, Le Merle Moqueur et Les Guetteurs de Vent. La scène clé de L’île flottante va se dérouler où nous sommes, au Café de l’Industrie. C’est un moment fort sur l’indécision au dessert. Ce sera une journée de tournage pour cette scène d’ouverture où quatre personnes sont autour d’une table dans un lieu qui représente le plus les bobos de la Bastille et est aussi le plus cinématographique.

Article écrit par Nathalie Dassa

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Par Fantrippers Rédaction

lundi 29 avril 2019

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